L’ancien dirigeant de PWC quitte la banque aux capitaux russes dans laquelle il est entré en juillet 2016, après son départ de la firme d’audit. Le nom de Didier Mouget est apparu en mars 2021 dans un litige judiciaire autour de la gouvernance controversée d’un fonds d’investissement immobilier.
Passage de relais entre amis doublé d’une opération de renouvellement de dirigeants: Didier Mouget, l’ex-managing partner du cabinet d’audit PWC qu’il a quitté en juin 2016, ne siège plus au conseil d’administration de East West United Bank (EWUB).
Son départ a été acté au Registre de commerce et des sociétés, avec celui de trois autres administrateurs, le 26 mai dernier par la banque aux capitaux russes. Dans le même temps EWUB a publié son rapport d’activité 2020 qui s’est traduit par une perte de 4,1 millions d’euros contre un bénéfice de 4,4 millions d’euros un an plus tôt.
Contrôlée par Vladimir Evtushenkov, la banque luxembourgeoise est présidée depuis 2013 – et son départ brutal du gouvernement – par l’ancien ministre socialiste de l’Economie Jeannot Krecké, ami personnel de l’oligarque russe, fondateur du conglomérat industriel et financier Sistema. Le mandat de Krecké a été reconduit d’un an à l’issue de l’assemblée générale de la banque, le 21 mai dernier. L’ex-ministre est aussi admistrateur dans Sistema.
Un grand ami de Jeannot Krecké
Le renoncement de Didier Mouget ne surprend personne. Il fut pendant plus de deux décennies l’un des hommes les plus influents de la place financière. Son aura s’était toutefois ternie lors du scandale des Luxleaks en novembre 2014 et la fuite de milliers de documents fiscaux rendue possible par une défaillance de l’organisation interne de PWC.
«Il s’agit d’une décision privée de sa part et je la respecte. Didier Mouget veut moins d’activité. C’est un grand ami. Il n’y a aucun problème entre lui et moi», explique Jeannot Krecké dans un entretien téléphonique à Reporter.lu. «Un autre de ses amis, David Hagen, qui est aussi un ancien de PWC et de la CSSF, va reprendre le mandat», se félicite encore l’ancien ministre LSAP, reconverti dans les affaires.
Dans une optique de ‘fit and proper’ collectif, l’arrivée d’un profil tel que David Hagen ne peut être que bénéfique pour un professionnel du secteur financier. »Un opérateur du secteur financier
Les chemins de Didier Mouget et de David Hagen se sont en effet croisés chez le «Big 4» au milieu des années 1990 avant que le second choisisse de poursuivre sa carrière à la Commission de surveillance du Secteur financier. Hagen a été en charge pendant 20 ans de la surveillance des systèmes informatiques de l’ensemble des entités tombant sous la surveillance du régulateur. Il a notamment contribué à l’élaboration du cadre réglementaire pour l’utilisation du cloud par les sociétés financières. Il a quitté la CSSF à 60 ans en avril 2020 pour devenir consultant indépendant.
David Hagen, la caution morale
Le choix de David Hagen est un peu une caution de moralité pour EWUB qui est au cœur de plusieurs opérations financières controversées qui n’en finissent pas de rebondir en justice notamment à Luxembourg et à Londres. La CSSF s’est intéressée de près à des montages financiers avec l’Ukraine qui ont mis à mal la solvabilité de l’établissement et lui ont valu une enquête judiciaire – toujours en instruction – pour des faits d’escroquerie et d’abus de confiance dont l’accuse un de ses gros clients géorgiens.
«Dans une optique de ‘fit and proper’ collectif, l’arrivée d’un profil tel que David Hagen ne peut être que bénéfique pour un professionnel du secteur financier, d’autant plus que les profils IT, Fintech et développement durable manquent cruellement dans les conseils d’administration et les directions générales», se réjouit un bon connaisseur du secteur financier qui requiert l’anonymat.
L’annonce des intentions de départ de Didier Mouget a coïncidé avec ses déboires judiciaires avec un jeune entrepreneur français, Brice Ménégaux, neveu du PDG de Michelin, avec lequel il s’était associé en 2018 pour lancer un fonds d’investissement immobilier. Les deux hommes se sont rapidement brouillés et demandent aujourd’hui l’arbitrage des tribunaux pour trancher leurs litiges. Ménégaux accuse Mouget et son épouse, ancienne avocate, de s’être personnellement enrichis et d’avoir torpillé des projets d’investissement. De son côté, l’ancien patron de PWC reproche au Français son manque de loyauté et une violation des statuts de leur société commune. Face à des positions irréconciliables, le fonds d’investissement a été placé en mars dernier sous l’administration judiciaire de l’avocat Yann Baden.
Brice Ménégaux a introduit le même mois une citation directe devant le tribunal correctionel contre Didier Mouget qu’il accuse de harcèlement et d’avoir abusivement exercé une clause de garantie financière. L’affaire est toujours en suspens.
Mouget siège au conseil d’administration de la banque Société Générale Bank and Trust. Contacté par la rédaction pour savoir s’il entendait s’y maintenir, il n’a pas répondu à nos sollicitations dans les délais impartis.
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