Un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) met une fin définitive au feuilleton judiciaire autour des «Luxleaks». Presque neuf ans après la publication de l’enquête internationale exposant les rescrits fiscaux passés entre des multinationales et l’Administration des contributions directes (ACD) par l’intermédiaire de la société d’audit «PricewaterhouseCoopers» (PwC), Raphaël Halet pourra donc de plein droit prétendre à l’appellation de «lanceur d’alerte».
Après Antoine Deltour et Edouard Perrin – le premier lanceur d’alerte et le journaliste qui a publié les documents de PwC – qui ont tous été blanchis par la justice luxembourgeoise, Raphaël Halet était le dernier des accusés à mener encore bataille. Devant la Cour à Strasbourg, il dénonçait le fait que la Cour de Cassation luxembourgeoise lui ait refusé le titre de «lanceur d’alerte».
En même temps, Halet avait été condamné à une amende de 1.000 euros. La justice luxembourgeoise, tout comme la CEDH en première instance, n’avaient pas estimé que les documents procurés par Halet étaient assez importants pour relever de l’intérêt public. Cela en rapport avec les dommages subis par PwC. Des dommages tout relatifs: après une année difficile, les revenus de PwC auraient rebondi, comme le notaient les juges déjà en première instance de la CEDH.
En appel, la Cour a donc décidé de revenir sur sa première décision, qui n’avait pas été unanime. Cette fois, elle a reconnu que les décisions antérieures violaient les droits à la liberté d’expression, selon l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Outre la reconnaissance du titre de «lanceur d’alerte», Halet aura aussi droit à une compensation financière de la part de l’Etat luxembourgeois. La CEDH lui octroie 15.000 euros de dommages, ainsi que 40.000 euros de compensations pour ses frais en justice.
A noter qu’aussi pour cet arrêt, des voix divergentes se sont élevées dans la Chambre des juges. Avec deux collègues, Georges Ravarani, le représentant du Grand-Duché à la Cour et vice-président de la CEDH depuis novembre 2022, a émis une opinion dissidente. Les trois juges reprennent en partie l’argumentaire présenté par le gouvernement luxembourgeois, concernant la qualité de l’information transmise et la mise en balance.
Entre-temps, le Luxembourg n’a toujours pas transposé la directive lanceur d’alerte de l’Union européenne. L’avis du Conseil d’Etat fait part d’une douzaine d’oppositions formelles. La date-limite de la transposition était le 17 décembre 2021. (LC)
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