L’Autorité bancaire européenne a publié un rapport sur les hauts salaires dans le secteur financier. Au Luxembourg, 22 personnes ont eu des rémunérations supérieures à un million d’euros par an. La part variable de l’une d’elles dépasse de plus de 400% le salaire fixe.

Tous les deux ans, l’Autorité bancaire européenne (ABE) basée à Paris passe en revue les rémunérations qui sont octroyées dans le secteur financier. Le régulateur européen récolte les données des salaires annuels au-delà de 500.000 euros, mais publie uniquement les informations détaillées, pays par pays, sur les émoluments supérieurs au million d’euros.

Au total, 4.963 banquiers ont dépassé la barre du million, principalement en Grande-Bretagne qui concentre 70% de ces privilégiés. En nombre, ces hauts salariés étaient 3.427 en 2010 en Europe, soit une hausse de 42% en neuf ans. Les chiffres portent sur 2019, donc avant la pandémie, qui devrait redistribuer les cartes, les régulateurs nationaux ayant appelé à la modération des rémunérations variables des dirigeants.

Dans son rapport annuel 2020, la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) a fait part de «ses attentes à l’égard des établissements de crédit afin qu’ils soient extrêmement modérés en matière de versement de rémunérations variables jusqu’en septembre 2021». Le régulateur prévoit de renforcer ses contrôles pour freiner les dérapages, d’autant que les rémunérations variables, distribuées sous forme de stock-options, sont soumises à une imposition plus que légère, malgré la réforme intervenue au 1er janvier 2021.

Des plafonds largement dépassés

Une directive européenne de 2013 sur les risques dans le secteur financier (CRD IV) invite les établissements à limiter à 100% le ratio entre le salaire fixe et la part variable. Exceptionnellement, ce ratio peut faire l’objet de dérogations jusqu’à un plafond de 200%.

Les contrôles sur place réalisés par le régulateur luxembourgeois en matière de gouvernance ont révélé «des faiblesses relatives à la définition, l’approbation et l’implémentation de la politique de rémunération ou des stratégies commerciales».

L’ABE laisse entendre pour sa part, sans rentrer dans les détails, qu’il n’y a pas de commune mesure entre les bonus et la rentabilité des établissements de crédit. «Globalement, la corrélation entre le ratio et la rentabilité moyenne des fonds propres des établissements est modérée, avec une corrélation relativement forte pour les hauts revenus au Royaume-Uni», note son rapport. «Pour l’UE27, la corrélation entre le ratio et la rentabilité est même légèrement négative», précise l’autorité.

Le nombre de «high earners» au Luxembourg est resté stable depuis 2017 et tourne autour de la vingtaine. Le ratio entre la part variable des rémunérations et la composante fixe a été de 118%, ce qui place le Luxembourg au-dessus des standards de la directive CRD IV. La moyenne européenne s’est établie à 93%, avec d’importants écarts selon les pays: 59% en Allemagne, 49% aux Pays-Bas, deux pays de l’UE parmi les plus vertueux, 143% en France et 149% en Grande-Bretagne.

En montants absolus, les banques du Grand-Duché ont décaissé 16,22 millions d’euros de rémunération fixe et 19,84 millions de «bonus» et autres instruments financiers aux 22 dirigeants bancaires, soit une moyenne de 1,668 million d’euros pour chacun. Cette moyenne est de 2,072 millions d’euros à Londres, 2,229 millions à Dublin et 2,6 millions à Vaduz.

Loin des excès britanniques

Ces moyennes cachent cependant des écarts importants dans la catégorie des banquiers payés au-dessus de la jauge du million d’euros. A Luxembourg, 16 personnes pointaient entre 1 et 2 millions d’euros par an en 2019, quatre affichaient des salaires entre 2 et 3 millions, un banquier a gagné 3,567 millions d’euros, avec un ratio de 421% de la composante variable, et un autre 4,057 millions d’euros dont 2,331 millions ont été versées sous la forme de bonus.

Des montants qui sont loin toutefois des excès identifiés en Grande Bretagne et en Irlande où deux banquiers ont touché entre 64 et 65 millions d’euros en 2019.

La CSSF avait noté dans son rapport annuel publié début août, que la part des rémunérations variables s’élevait en moyenne en 2020 à 44% dans les établissements de crédit, contre 38% un an plus tôt. Ces chiffres portaient sur l’ensemble des rémunérations du secteur financier luxembourgeois. Le régulateur expliquait en partie cette hausse par la venue d’opérateurs de Londres qui se sont relocalisés au Luxembourg dans le contexte du Brexit.