Alors que la parole des victimes se libère sur les agressions sexuelles commises dans l’Église, se pose la question de la prévention de ces actes. Depuis 2010, des mesures ont été mises en place par l’archevêché de Luxembourg. 

Le pape François a fait du combat contre la pédocriminalité l’une des pierres angulaires de son pontificat. Face aux critiques des victimes qui attendent des faits plus que des discours, il a publié le 8 mai 2019 un décret qui réforme le droit canonique. Impossible désormais pour les clercs ou les laïcs de se retrancher derrière le secret de la confession: il est précisé que «le fait d’effectuer un signalement (…) ne constitue pas une violation de l’obligation de confidentialité». Qui plus est, «aucune personne qui effectue un signalement ne peut se voir imposer une contrainte au silence sur le contenu de celui-ci». Le but est de mettre fin aux menaces ou pressions sur les témoins.

À partir du 1er juin 2019, tout prêtre ou religieux qui aurait connaissance d’un cas de violence sexuelle sur un mineur ou sur une personne vulnérable, ou d’une manœuvre visant à le dissimuler, doit le signaler à son autorité ecclésiastique – ou directement au Vatican si cette autorité ecclésiastique est elle-même mise en cause.

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Si cette obligation est désormais inscrite dans le droit canonique, il faut noter qu’elle était déjà en vigueur au Luxembourg depuis les directives de l’archevêché de 2011 actualisées en 2014. En outre, elle s’appliquait déjà en droit civil, comme l’explique Maître Deidre Du Bois, mandatée depuis 2017 par l’archevêché pour donner à ses collaborateurs des cours de droits sur les délits et crimes sexuels. «Le secret professionnel est reconnu pour les ministres du Culte qui entendent les gens en confession. Ils doivent le respecter, faute de quoi ils s’exposent à des sanctions. Néanmoins, l’article 458 du Code pénal prévoit deux limites à ce secret professionnel: la non-assistance à personne en danger, mais aussi la non-dénonciation d’un crime s’il est commis sur un mineur», dit-elle. Des sanctions précisées dans les articles 410-1 et 140 du Code pénal prévoient des amendes (jusque 10.000 euros) et/ou peines de prison (jusque cinq ans).

Des cours de prévention obligatoires

Depuis 2017, des cours de prévention concernant la violence sexuelle sont obligatoires pour tous les collaborateurs de l’Église, prêtres et laïcs. Une mesure étendue en 2018 aux personnes qui font le catéchisme aux enfants.

«C’est du concret. Ainsi, j’explique clairement la différence entre le viol et l’attentat à la pudeur. Je parle aussi du phénomène du sexting – contraction de sexe et texting – qui consiste à envoyer des photos intimes via les téléphones portables ou les réseaux sociaux. Il faut savoir que la diffusion et la publication de photos érotiques de mineurs sont illégales et incriminées, même si le mineur pris en photo a donné son accord ou a envoyé les photos lui-même», explique Maître Du Bois. D’après elle, les personnes qui assistent à ses cours prennent la question au sérieux. «En général, il n’y a pas de boycott. J’ai plutôt l’impression que les participants sont très réceptifs», témoigne l’avocate qui intervient sur les questions juridiques après une matinée au cours de laquelle les personnes ont été sensibilisées aux comportements à risque.

Il faut noter que de telles formations ne sont pas encore systématiquement prévues pour les entraîneurs sportifs bénévoles par exemple. Le ministère de l’Éducation Nationale, de la Jeunesse et de l’Enfance diffuse de son côté un guide sur la «Maltraitance des mineurs» qui s’adresse à tous les professionnels de l’enfance et de la jeunesse. Il s’agit surtout de détecter les enfants maltraités plutôt que de remettre en cause ses propres pratiques. Les jeunes enseignants sont formés à cette problématique dans le cadre de leur stage. Une sensibilisation importante et qui mériterait de faire l’objet de formations continues: «Lors des voyages scolaires par exemple, il n’est pas évident pour un jeune prof de savoir jusqu’où doit aller la familiarité avec les élèves, d’être vigilant sur ce qui est déplacé, même si on n’est pas malintentionné», commente un enseignant.

Vigilance sur le recrutement

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L’une des autres mesures préventives au sein de l’Église concerne la formation des prêtres. Depuis 2013, chaque séminariste est suivi pendant sa formation par un psychiatre indépendant qui le voit à plusieurs reprises. Pour être ordonné, le postulant doit obtenir un certificat psychiatrique garantissant qu’il ne présente pas de risque pédophile. Il faut noter que le recteur du Grand Séminaire de Luxembourg, le père Patrick Muller, n’a pas connaissance du contenu du dossier réalisé par l’expert indépendant. «Pour des raisons de respect du secret médical, le dossier n’est ouvert que si un candidat pose problème ultérieurement», dit-il. Depuis qu’il est devenu recteur en 2013, il a dû renvoyer un séminariste dont le profil était jugé à risque.

Des dispositions ont aussi été prises pour rassurer les parents qui envoient leurs enfants au catéchisme. Les anciens enseignants de religion, désormais «catéchètes titulaires», doivent disposer d’un extrait de casier judiciaire bulletin n°5 spécifique à la protection des mineurs renouvelable tous les dix ans. Cette disposition devrait être élargie «dans les mois à venir» par un règlement général de l’archidiocèse en préparation. Le bulletin n°5 sera alors demandé aux autres salariés et bénévoles ayant des contacts avec des enfants.


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